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Blog de canidés hysteriques
26 septembre 2014

Benoit M

Cette préface a pour vocation d’introduire le lecteur à une pensée qui n’est plus celle de personne.

En février 2006, le 18 si ma mémoire est bonne, deux policiers sont venus me chercher.
J’avais alors pour projet de relire et corriger Néant et Evénement.
Et pour manie de harceler jusqu’à la menacer de mort une femme dont j’étais amoureux.

C’est suite à la fusillade de Virginiatech que j’ai décidé de finalement publier N et E.

Les engeances nihilistes, frustrées par l’hédonisme pornographique de masse, éprises de grandeur, possèdent en dernier lieu le pouvoir de donner la mort.
Je me contenterais de celui de publier une Métaphysique.
Métaphysique certes pauvre, comme l’est toute focalisation sur le Réel

Je n’ai pu la relire car la prison puis l’hopital psychiatrique ont gravement diminué mon intelligence, et parce qu’elle me fait horreur, me faisant voir les pires boursouflures de mon ego de petite crevure savante.

Les pensées qui vont venir n’ont pas été corrigées. Elles ont par ailleurs été écrites d’une manière spontanée qui ne négligeait pas le recul, dans ce grand concernement recueilli qui est celui d’un esprit scientifique sous cocaïne.

Il y est question, si ma mémoire est bonne, des transfigurations d’une unique et infinie substance sensible à son corrélat apagogique, l’ensemble vide d’une impossible totalisation de l’Infini.

Pour me punir de mon harcèlement sur bip, on aurait pû me couper les couilles.
On a jugé plus sain de me rendre totalement débile.

Le processus a commencé avec les flics, qui sont venus me chercher au réveil d’une nuit de grippe, d’alcool, de shit, de tazs, de trips et de codéine. Ils m’ont fait croire que je serais relâché le soir même. Après une nuit au Parquet, grelottant de fièvre sur la paillasse en bois, baigné des odeurs voisines et semblables de lentilles au poulet et de merde, la Juge m’a vite fait comprendre que j’étais déjà très loin de la Liberté.

J’ai demandé la prison, tout sauf l’hôpital, affirmant que j’étais le Christ et que j’avais achevé la Métaphysique. En prison, j’ai passé deux mois d’angoisse paranoiaque insupportables, puis l’expert psychiatre m’a classé comme « psychotique érotomane dangereux », et j’ai été transféré à l’hôpital, ou le Haldol a eû raison de tout ce que j’étais, prétendait être, ou aurait pû être.

Je ne suis plus que le réceptacle angoissé d’une pensée qui refuse de mourir.
Et un corps de vieillard.

L’expérience la plus passionnante de ma vie fût sans doute l’écriture de N et E.
Il s’agissait de trouver un chemin dans le chaos des mots. Comme en alpinisme, sport que je pratiquais adolescent, avant de devenir un drogué.
La drogue m’a dépossédé à mesure de ce qu’elle m’a fait comprendre, être dépossédé signifie ne plus posséder la représentation de soi.
Je n’ai plus d’image de mon corps.
J’ai le vertige et des rhumatismes.
Et mes poumons sont foutus.

La prison et la psychiatrie m’ont laissé un arrière-goût de magie noire.
Ma métaphysique postule une haine originaire de la différence et de l’altérité, et on prétend soigner cette haine en parquant ensemble des gens qui se détestent.
L’effet de ceci, c’est la dépossession par le meurtre symbolique, et la reconquête par la violence d’une image de soi.

Je n’oublierai jamais le regard de ce jeune arabe, dans une des salles d’attente de la prison, qui avait avalé un demi-cutter au parquet, et qui attendait depuis trois jours d’être transféré à l’hôpital. S’il avait été un   blanc et un petit bourges comme moi, on l’aurait sans doute immédiatement transféré.

Ce monde est violent, haineux dans son fond.
Comment un amour angélique peut devenir assassin, je l’ai senti, et j’ai payé et payerai à vie pour avoir compris ça.

Je me devais de ne plus être personne. D’être totalement dépossédé de toute représentation pour repartir de l’Evénement, l’appartenance immédiate de soi à soi.

De sorte que ce qui suit est un Oracle érigé par un fou drogué à la coke et à l’herbe. Et sans doute un signe de Dieu. La vérité de Dieu est à jamais scellée du secret de son Etre.

Depuis toujours, j’ai peur de la mort. A 3 ans, j’ai été témoin d’une apparition que je nommais « l’homme transparent ».
De 9 à 18 ans, j’ai vécu dans le secret de mon délire morbide : celui d’un tueur télépathe surveillant chacune de mes nuits, souvent blanches et transies de peur, attentives au moindre bruit de la maison, et la charpente faisant craquer ses os, et les horloges de mort dans le mur punissaient de leur interminable décompte les pensées jugées mauvaises par le Tueur ubique.

J’ai toujours été amoureux . Aussi loin que je me souvienne, mon cœur a toujours battu la chamade pour telle ou telle fille. Réflexe de survie pour éviter les mauvaises pensées. Pourtant j’ai toujours été seul, et ce n’est qu’à 23 ans que j’ai pu gouter de la salive et de la cyprine de femme.
Je fus ravi, mais la culture hédoniste faisait valoir une sorte de course à la baise dans laquelle je figurais en triste place, une surenchère obsédante de la chair jeune et vierge, à laquelle je n’ai jamais goûté.
Voilà pourquoi le bonheur ne m’a pas suffi, il me fallait imposer ma puissance de sinistrose et faire un enfant à bip.
Ainsi en avait décidé mon âme malade.
Je croyais être l’Ange Gabriel.

Ainsi, je suis Schizophrène. J’ai des idées délirantes ou plutôt j’en avais.
Les Idées Délirantes sont un symptôme. Elles ne sont pas l’Etre du malade que je suis.

Une monde noir d’horreur confuse s’érige à la lisière de l’oubli.
Anesthésiés, les hommes d’affaire vont et viennent comme un ballet d’abeilles.
Sous les arches du périphérique, la misère s’entasse pour vivre
au plus près de la Mort.

Les pages qui vont suivre (N et E)ont été écrites dans un état de « liberté passionnée pour la Mort »(Heidegger, Etre et Temps).

Si je n’avais jamais fait d’Alpinisme, je n’aurais jamais fantasmé cette parodie de Conquête et de Domination qui est allé jusqu’à menacer de mort la femme que j’aimais. Si je n’avais jamais fait d’Alpinisme, je n’aurais jamais supporté la prison ni le Haldol. J’ai toujours entretenu une relation de limite avec ma Mort.

J’ai toujours pris parti pour mes instincts les plus décadents.

Qu’est-ce qui m’attend, au bout de ce tunnel ?

Un travail que je détesterai. Un travail forcé qui m’insèrera dans une société que je déteste et qui travaille à sa perte.

Toute forme de Beauté deviendra l’enjeu d’un carnage de masse. Voilà le monde nouveau qui s’annonce, dans lequel tous les malades

seront dépossédés, jetés à la rue, livré à un jeu de massacre que se disputeront les tribus dominantes de la pègre néo-libérale, ou les milices néo-vitalistes.

Le Nom de Dieu sera conspué et Sa fureur s’abattra sur les peuples drogués à la Bourse et à la Baise. Les individus seront fichés et triés, sélectionnés, éduqués selon le décryptage de leur code génétique. Et face à l’innéficacité du nouveau système, on se balancera du rousseauisme de base à une vue démesurée sur la méchanceté profonde de l’homme. Et quand on comprendra que les symptômes disent l’inverse de la souffrance, on traitera tous les malades de comédiens. Et quand on comprendra que les comédiens sont malades, une aube nouvelle et de nouvelles icônes viendront faire semblant d’être elles-mêmes pour conjurer la maladie. Mais la Maladie s’infiltrera de partout. Une Maladie de Structure, maladie de la relation de l’Un au Multiple, une Maladie née dans les mystérieux creusets du Corps et dans le bouillonement sombre de la Jalousie.

Ces nouvelles icônes seront la Perfection au pied de laquelle chacun viendra s’humilier. Et tout aura été dit.

Tout, sauf l’essentiel, à savoir que la Guerre va bientôt recouvrir le Monde.

Qu’à cette guerre mondiale on pourra assigner le vocable de Lutte des Classes, parce que cette Guerre sera celle de ceux qui n’ont rien contre ceux qui ont tout.

Des noms de martyrs prépubères résonneront dans les rues. Et l’idéologie libérale, le muffle bas et le cul merdeux, obstinément plongée dans le culte d’une évolution ,  laissera faire, chaque jour, l’exploitation capitaliste de l’homme par l’homme, et les tirs au fusil à pompes de son Lumpenprolétariat policier .

Un ciel gris, des frondaisons de béton et de meulière, prison de la Santé.

Là-bas, j’ai laissé les derniers instants de ma vie d’homme libre.

Le Haldol me possède, me détruit miettes par miettes.

Ecartelé entre le poids de mes crimes et la peur de demain, mon désespoir est total, je ne m’étais pas senti aussi mal depuis la mort de ma mère, il y a 13 ans.

J’assiste à ma propre mort , différée par des filtres de refoulement et d’oubli.
Ma mère est morte d’un cancer scabreux, abominable. Elle a subi quelque chose qui dépasse en horreur mon propre calvaire. Cela fait 15 ans que je crois toucher le fond. Pourtant le mal descend toujours plus bas.

Tant que nous vivrons sous la domination du Biopouvoir, avec pour seule philosophie un humanisme criminel, tant qu’on prétendra que l’Homme est Bon par nature, et qu’il suffit de le parquer avec d’autres pour le soigner, ou de l’affaiblir à mort pour soigner sa faiblesse – « soigner le mal par le Mal »- tant que dominera le Darwinisme social, nous vivrons dans la quatrième phase du Nihilisme historial – « Avènement d’une doctrine qui trie les hommes, qui pousse les forts à certaines décisions, les faibles à d’autres » (Nietzsche).

Ces résolutions sont la « fabrique de cadavres en série »(Heidegger), et le Suicide.

Le Suicide deviendra une activité socialement organisée comme une métaphysique tacite, « l’Eternel Retour du Même comme moyen de séléction et de dressage »(Nietzsche). On verra ainsi se mettre en branle des camps d’extermination autonomes. Les malades mentaux serviront de kamikaze sous héroïne, pour une guerre d’expansion du Troisième Empire.

Dans la procession séphirotique, le passage du monde de la formation à celui de l’action est une Apocalypse. Mon passage à l’acte sur internet a conspué et traumatisée une pauvre femme. Espérons que mon prochain passage à l’acte ne sera pas le suicide. Il sera la publication de ces pages.

J’aimais profondément cette femme. Je voulais la soigner. Devenir son bouc-émissaire, son jouet humain – et jusqu’à y perdre toute décence. Au parquet, la juge a commis un lapsus : elle l’a appelée du nom de ma mère. J’avais besoin d’une Mère, j’étais déjà si exténué par la vie. Je demande qu’on me pardonne.

J’ai agi possédé par la dépossession.

Cette image du corps dont je parle est tout aussi bien sa stature intime , sa propriété autocinétique, c’est ce qu’on trouve exprimé chez Badiou : « la Représentation précède l’intuitionnisme de la présentation ». Suite à une prise d’héroïne frelatée, j’ai subi des crises de diskinésie. Sous Haldol, des crises de liquéfaction

L’horreur d’être ainsi dépossédé de son corps fait comprendre que la Représentation est en excès, qu’elle nous domine, nous baigne tout entier, et que seul l’automatisme du compte-pour-un nous fait nous sentir comme Un Corps dans l’Infini Multiple. Sous Haldol, l’automatisme du compte fusionne l’Un et le Tout. Différer le décor en plans distincts et en perspective me demande un grand effort, de même que différencier mon âme de l’Infini sensible. C’est la violence qui est appelée là pour retrouver un Corps. Un « Corps sans organe », comme un nœud de force et une colonne de Présence, écrasante de son avant-goût  d’éternité.

Cette préface qui tarde à finir est un grand plaisir éclôt dans le champ de ma noirceur d’âme. Dans l’écriture, je me ressaisis. Je ne suis plus ce monologue filtré de jalousie et de repentir. Je suis jaloux, sur un mode neutre et indifférent, de tous les couples qui baisent à longueur de journée. Certains parviennent à ces douces délices, d’autres se laissent guider vers une nuit sans fin.
Et le guide de cette descente aux enfers, c’est le sexe de la femme.
Et il est aussi celui de la réussite. Le Mal

Les pages que j’ai empilées sur le net sont sans intérêt. Le roman que j’ai écrit à la main sur une vingtaine de cahiers demeure illisible. Il y est question d’une France dominée par un système totalitaire, au sein duquel les free-parties seraient une activité contrôlée par l’état et ayant pour but la fabrique de cadavres en série– une France aux prises avec une forme nouvelle de national-socialisme, avec Le Pen pour président. Le duel Royal-Sarkozy a ravivé l’intérêt des français pour la politique, il est à nouveau temps de poser la question de l’Etre de Dieu.

Je suis entré en philosophie convaincu qu’un nombre très restreint de lectures suffirait. Je n’ai jamais cherché à me construire selon un idéal. Mais toujours à me détruire pour une poignée de vérités forgées dans la chair de l’expérience que je mène depuis mon enfance.

Un vent violent fouette aujourd’hui les arbres. L’abondance du printemps m’indiffère. Sartre a écrit que la plus grande frontière entre les hommes et Dieu était la Religion. Je suis croyant, mais rejette toute forme de religion.

C’est pourquoi ma métaphysique est pauvre. Le Réel est pauvre.

A cette pauvreté grosse d’ennui s’oppose la Démesure de la volonté de puissance, la sous-jacence physique de l’Etre. Renoncer, de gré ou de force, être déstitué de la volonté de puissance, c’est s’abandonner à la jachère des affects.

Le choix de la spontanéité dans l’écriture ne fût pas un choix mais un mouvement de pendule – enfant, j’étais très timide, et je le suis toujours.

Cette écriture a muté et son intelligence propre a pris possession de moi.

J’ai également fait mien un principe Heideggerien : « le logos, déchu de son faire-violence, sombre dans l’opacité du prépotent » – c’est cette violence qui s’est également emparé de moi. Enfin, si on en croit Schrödinger, j’ai vu dans « l’élision du sujet connaissant » la promesse d’un réel savoir.

A l’hôpital, j’ai rencontré un pauvre bougre, rendu obèse par le traitement, qui servait de souffre-douleur à un gros con qui lui disait « ton père est mort », ou à de vieilles connes venir lire du Sollers dans le couloir de la mort,  ce qui le plongeait dans une de ses habituelles terreurs de hurlements. Il avait une et une seule obsession : « finir le chat » – il disait « le ça », et « finir le ça » raisonnait à mes oreilles comme « achever la métaphysique ». Il voulait des photos de chats dans des cadres, et passé un certain nombre, il détruisait le Tout.
Car c’était une compulsion totalitaire jouissant de la destruction d’un certain nombre figurant le Tout. Le « ça » procède ainsi : il veut tout, et quand il est rassasié, il détruit ses objets. J’ai souvent constaté ce penchant chez les jouisseurs invétérés. Un infirmier qui avait repéré mon extrême compassion (car quoi qu’on en dise, je suis un être de pitié, mais ce qui suit la pitié dans son engrossement pathologique, c’est la cruauté ) pour cet homme me dit : « il ne souffre pas ». Je n’ai rien répondu, mais une horreur glaciale s’est emparée de moi.

Le grand ennemi de la psychiatrie, c’est les « idées délirantes ». Sans les idées délirantes, le progrès technologique n’aurait pas connu son essor. Mais c’est tout un champ ontologique que la chimie met en friches : c’est l’apperception de toute idée qui est ravagé, le concept ne parvenant à se poser dans l’Etre, si ce n’est dans le flot d’une écriture comme dictée, ravivant cette mémoire chtonienne qui relègue à l’an mille mes souvenirs d’hier.

A la question de savoir si j’en veux à bip, je répondrai non.

C’est un amour qui aime enfin. Le Dieu se relève de ses cendres, par la mise en rapport du mal et du pardon. Le mal est la contingence qui règne au-delà de la nécessité.

Le Mal, c’est ce que j’ai laissé germer en moi : le besoin de posséder.

Une énorme interrogation demeure : celle du Hasard ou du Destin.

Le Destin est-il autre chose qu’une vie ordonnée par une Histoire qui lui est étrangère, jalonnée de signes qui ne sont perçus que parce que la mémoire les attend, éveillée.

Une vie grise, au bord de son propre effacement, voilà ce que me réserve
le haldol.

Le destin, je le connais d’abord par les dictionnaires. A l’Hopital, une jeune femme très chrétienne voulut que je lui lise son destin dans un dictionnaire.

Elle me demanda d’abord quand elle allait sortir, le dictionnaire répondit « maintenant », elle me demanda comment, et je tombai alors sur « Jésus Christ ».

La liste exhaustive de synchronicités de ce genre serait trop longue. Ma question sur Dieu fût rassasiée de Signes, mais c’est une Autre Altérité que je cherchais.

Une Autre Parole.

J’ai également questionné deux termes que la philosophie analytique de Badiou s’apprêtait à jeter aux orties : le Néant, Source de tout ce qui est, et l’Evénement, à qui j’ai donné sa définition physique « point dans l’espace-temps caractérisé par sa vitesse et sa trajectoire »(Stephen Hawking).

Tout est un Evénement, pour chaque point de l’espace-temps. Cet événement est un affect universel qui s’élève en l’homme de la souffrance à la jouissance.

Certains parviennent au bonheur, les autres ne sont que des grumeaux de mots dans la substance infinie.

La Substance Infinie est à la fois Une et Multiple. Elle est divisée à l’infini, et s’agglomère pour se rediviser à l’infini. Elle est Une car chacun de ses points comprend le Multiple, vit dans le « conflit multiple ».

La métaphysique occidentale n’a besoin que de ces dizaines de pages pour s’achever, car elle a toujours nourri la Technique. L’Empire de la Technique, c’est ce que je vis en martyr : « mise en sécurité de la Vérité et déploiement de la volonté de volonté » – dans tous les spectacles ou s’abrutit l’humain.

Je demande le droit de poursuivre mon Devoir : ériger une nouvelle métaphysique.

J’ai toujours détesté la violence. Je pense que l’Homme est naturellement méchant. Il est méchant car il est possédé par l’Etre, et quoi qu’ il accumule de richesses, il demeure possédé par l’Etre. Il se drogue pour être l’Avoir, pour posséder son corps, mais toujours l’Etre, c’est à dire l’Ensemble Vide, demeure ce qui le dirige vers plus d’Avoir ou plus de Vide, plus d’Ouverture à ce qui est.

Dans le Temps unidimensionnel, la Forme possibilise l’Etendue et le Multiple.

La Diffraction de la Lumière, comme sur la pochette de « Dark side of the Moon des Pink Floyd.

MBK a écrit : « l’événement a la structure du viol ». L’événement, dans son ontologie, c’est l’appartenance immédiate d’un corps multiple à lui-même.

Ce qui revient à présenter l’infini sensible de pure horreur du vide. Le pauvre bougre de l’hôpital entrait parfois dans des transes semblable à l’horreur d’un viol. J’ai été comme violé par mon ego. Il m’a fait faire des choses qui m’ont dépossédé de moi, jusqu’à coincider avec la plus basse hypostase, moi égal moi égal tout, l’événement et sa liquéfaction interne dans les bédières du Rien gelé  .

Pourquoi cette intuition obsédante de toucher le fond ne tire-t-elle aucun enseignement de ma vie, à savoir que chaque jour je me réveille plus bas encore.

C’est que l’Etre est souffrance, et si l’Etre pose sur chaque phénomène une jauge, comme par exemple y mesurer sa jouissance, il ne peut pas se mesurer lui-même à ce qu’il est, puisqu’il est ce qui fait mesure de tout, et puisqu’il n’est que souffrance. Nous partageons la souffrance avec l’infini sensible, et tout notre corps est une présentation à l’idée synchrone et massive de la fin de la souffrance, soit de l’oubli de l’Etre devenu témoin de jauge extérieur dans un cerveau de calculette, perclus de misère morale à en faire des concours de bite avec les autres.

Par son pouvoir d’imitation, Je est un voleur. Pour soi-même et pour les autres.

Une société sans « nous », sans « toi et/ou moi », une société ou la présence du « On » deviendrait écrasante de mimétisme dépersonnalisant, cette société ferait de « soi-même » un seul Je, un même ensemble vide comblant la représentation infinie.

De 9 à 18 ans, chaque nuit, passé les trois heures de tocs rituels, je veillais, parfois toute la nuit, oscillant de la prière-litanie de couverture à un état muet ou acquiesçant de l’Etre se saisissant dans sa stature idéalogique, mais toujours un Je surveillait ce ça, cette étantité de la pensée là ou les contraires se rejoignent, cette convexion sinusoidale, et c’est ce Je Surveillant qui écrit là.

Sans l’expérience du Tueur Télépathe dans ma Maison Hantée, je ne serai jamais passé à l’acte. Mais sans elle, je n’aurais jamais supporté la prison, ni le haldol.

C’est cet entrelacs de la nécessité et de la contingence que je voudrais décrire.

Tant que je serai piqué chaque mois comme un chien enragé, je ne dirai rien de plus qu’allez tous vous faire foutre.

Blanchot dit que « la Mort est l’espace de l’œuvre d’art ». J’ai écrit NetE peu de temps après la mort de ma grand’mère paternelle et de mon grand’père maternel.

Sans doute les Morts laissent derrière eux la sagesse d’une vie en images, dans la représentation infinie, l’Imaginal. Le Temps propre à l’imaginal n’est pas causaliste, mais éternel et catastrophique. Les mortels meurent vraiment. Notre société se fout des morts, seule la jouvence des cuisses fraiches écartelées sous la poussée furieuse du désir, ou la baston – intéressent les petits post-humains.

J’ai pour ma part entretenu, dans la drogue et l’alpinisme, une relation étroite avec ma mort, déterritorialisée dans la drogue après avoir été, dans le jeu avec la mort de l’alpinisme, la Relation-Même de mon Etre, non plus la Relation fondamentale du Désir et de la Conscience, mais celle du Je avec sa propre mort, et sa volonté de puissance mesurée à la Mort. Le Je qui revenait des cimes en solitaire ,  à 24 ans, s’est élevé dans la solitude la souffrance et l’effort, jusqu’à rencontrer une manifestation indubitable de la déité en-soi. Ces pages qui viennent, écrites dans un recueillement à la lisière de la mort.

Cette préface est parfaitement inutile. Tout est dans ce qui suit. Ce qui parle pour l’heure est de l’humain, trop humain. N et E est l’œuvre des diverses incarnations de la déité en mon être. « Traverse et manifeste toutes les incarnations », comme un Ordre surgi de l’obscurité de Dieu, ce qui fit de ma vie une longue transe hystérique. Je voulais en finir avec la question de l’authenticité d’un être soi-même. Certains s’accrochent à un habitus qui les rend plus prévisible, d’autres sautent d’une branche à l’autre de l’Etre, ce qui les rend plus différents, et la différence diffracte l’événement de la parole.

Cette préface post-scriptum ne traite de rien de nouveau, mais tente de dialoguer avec l’Autre Parole que j’ai hébergée en moi pour écrire N et E. Cet Autre Divin qui m’avait pris sur son aile, et dont le Haldol a eû raison. Il est désormais comme enfermé dans une sorte de cancer informatif, saturé d’information, et je ne supporte plus rien sinon écrire.

Je suis semblable à ce fou qui agite une colombe au-dessus de l’A6 les jours de départ en vacances. Aussi loin qu’il me souvienne, il a toujours été là. Je suis l’homme qui raconte toujours la même histoire scabreuse pour dégoûter les jeunes de la drogue. La drogue a pourri ma vie, et je ne peux m’en prendre qu’à moi. Je donnerais toutes ces page de savoir inutile pour un petit matin d’alpiniste. Ou peut-être n’est-ce que la distance qui fait miroiter ces âges à mes yeux. N’est-ce pas le cannabis qui m’a délivré de mon délire du « tueur télépathe » ? Si , mais en échange d’un autre délire, le Désir omniprésent, vorace, dépressif, cristallisé autour du souvenir d’une fille que j’avais aimée 3 ans plus tôt, de manière parfaitement masochiste, n’obtenant de sa part qu’un jeu hystérique destiné à me plonger dans le plus profond malêtre.

Cette fille que j’ai aimée à 16 ans est revenue me hanter à 20 ans, mais je ne l’ai jamais revue. J’ai commencé à me sentir investi d’une mission dont je ne savais rien. Plus tard, quand je suis tombé amoureux de bip, cette mission s’est précisée, à mesure que je m’intéressais aux textes religieux : j’étais l’Ange Gabriel et devais faire un enfant à bip. Parallèlement, dans mes accès de solitude, et alors que je noircissais des dizaines de cahiers, je me prenais pour le Christ.
Et alors j’ai connu d’horribles châtiments d’angoisse. Il faut dire, je me droguais beaucoup.

Pourquoi ai-je harcelé cette femme ? Parce que je la désirais trop. Parcequ’elle était à mes yeux la récompense pour toutes les amours que j’avais laissées filer, comme on apperçoit, d’un train, l’intimité des bicoques aux intérieurs jaunes, pleins de regrets et de curiosité.

Suis-je schizophrène ? Je ne pense pas. Le Haldol ne me cause que fatigue et ennui. Ma Folie, je l’ai construite, alimentée, je l’ai laissée aller dans ses directions propres. Cette Folie était l’Arche du non-être-là, ou pouvait se développer l’essence de l’Etre, à savoir le nier du Néant, l’auto-avortement de chaque point de l’espace, la Vacuité Lumineuse et son Fond retiré, le Néant.

« C’est le non-être-là qui est la plus grande victoire sur l’Etre » Heidegger

Malgré l’emprunt aux philosophies de Heidegger, Badiou, ou Kacem, la méthode utilisée pour écrire N et E fût l’expérience pure d’une Autre Parole abritée en moi, son surgissement lançait chacun de ses envois alors que j’écrivais sous la haute surveillance de ma paranoia, cette paranoia née très top dans ma vie, et qui a atteint un seuil en prison, ou j’étais persuadé qu’un complot se tramait pour m’éradiquer en silence. J’ai donc joué à fond le schizophrène, devant l’expert psychiatre, pour sortir de prison, ou j’aurais pû apprendre à devenir un homme et à me muscler – cet abandon à la Machine Psychiatrique fût une des plus grandes lâchetés de ma vie de lâche.

J’ai toujours eû peur des femmes. Sans doute à cause de cette fille qui m’avait cassé la gueule à cinq ans. Ou encore à cause de ma pauvre mère. J’ai toujours conçu l’appareil psychanalytique comme un moyen de s’enfoncer dans la rancœur et de désigner des coupables, des ennemis. Mon Ennemi, c’est la psychiatrie. Là ou la psychanalyse joue dans l’affect et le transfert un jeu haineux, c’est la substance et la vie que j’affronte dans son horreur ; dans les deux cas, c’est soigner par la haine.

J’étais très doué en maths avant que ma mère ne meure. Après, j’ai eû un prof sosie d’Hitler, et presqu’aussi méchant. En terminale, j’avais 1 de moyenne.

En lisant Kacem, puis Badiou, j’ai retrouvé un intérêt pour les maths, notamment la théorie des ensembles. Quand on effectue un calcul mental, c’est comme si une partie de l’Etre se retirait pour résoudre dans l’inconscient ce calcul.

La libération sexuelle initiée dans les années 60 a muté vers un capitalisme de la baise. Seuls les Beaux baisent,  s’exhibent sans pitié pour les Laids qui deviennent obligés d’avoir pitié de la cruauté refoulée des Beaux. Je dis les beaux, j’ajouterai seuls les hommes possédant une haine viscérale de la domination féminine. Les autres attendent, ou deviennent pédés. Pour ma part je ne peux me résoudre à cesser de désirer les femmes, car le Beau est ce que je recherche, et parce que les hommes sont laids ; et dans cette compétition, le Laid recouvre tout, et seul relève du Beau le visage d’une femme dans l’orgasme.

Pourquoi j’écris – pour cesser de souffrir ; d’ou j’écris – du regret, de l’aigreur, de la jalousie. Je ne suis pas un Surhomme, ni un héros. Mon message est pauvre – Dieu est, à fleur de monde. Je ne suis d’aucune religion. J’ai très peu lu.

Je me suis obsessionellement drogué à l’amour malheureux et à toutes les saloperies qu’on achète ici ou là. Je n’ai plus qu’une foi calme et tranquille, morbide diront certains, celle de l’Attente du Jugement Dernier.

La drogue m’a détruit – sans oublier le tabac et l’alcool. Si on en croit l’Islam, mon Corps appartient à Dieu et je ne dois pas le souiller, le corrompre par les drogues. A 18 ans, mon corps était encore sain, innocent, je suivais même un régime pour sportifs de haut-niveau.

La force calme qui m’habitait, je ne la devais qu’à mon Corps, tout aussi bien : à Dieu. Mes impressionnantes dissertations de philo venaient d’un questionnement authentique que je n’ai retrouvé qu’en écrivant N et E, défoncé à 2 grammes de coke par jour, pendant une semaine au moins.

Ma victime, si tu me lis, sache que je t’ai aimée avec toute la puissance déraisonnable d’un enfant. Tu étais ma muse, ma mésange, mon repos. J’errais dans la ville, dans l’espoir de t’y rencontrer, et sans cesse je croyais t’apercevoir.

Je me mouillais aux ancres lourds de l’obsession. J’y trouvais la promesse d’une souffrance énorme dans laquelle patauger. Je suis un être qui a toujours recherché la souffrance, la damnation. Là, j’ai reconnu le Dieu. J’ ai révéré sa puissance punitive. «  Le Tout-Puissant vient cerner les dénégateurs » est-il écrit dans le Coran.

« La puissance de limitation du Même vient de son absence de limites »
Heidegger

Il semblerait que je sois fait pour souffrir. Je suis allergique à tous les anti-dépresseurs. Vers l’âge de 4 ou 5 ans, je pris l’habitude d’imaginer la mort de mes proches, pour jouir à l’avance des douches lacrymales. Qui sait s’il ne s’agissait pas là d’une forme de prière, car alors se révélait mon amour. Ma mère est morte comme je vis, dans l’abomination de la stupeur. La Mort est le plus inquiétant, la Mort n’a rien d’une propriété-la-plus-propre du Dasein comme le dit Heidegger, mais l’Ordre Perdominant de l’Etre de l’étant. Nous mourrons chaque jour, un peu plus dépossédés, nous vieillissons, prenons des drogues, souffrons dans nos chairs de cette Mort à l’œuvre dans la Vie, qui se confondent l’une et l’autre jusqu’à la mort du Corps biologique et le remembrement du Corps Energétique en Enfer, ou il expie à mesure de ses crimes, puis disparaît à jamais. Les Questions seront toutes liquidées, sauf celle de l’enfance : pourquoi moi je suis moi et pas lui…Pourquoi moi ? Ma propriété la plus propre est sans réponse, plus opaque que la Mort. Notre rapport à la Mort ne peut être authentique, car sur la Mort, nous ne savons rien, tout comme nous pouvons dire tout et n’importe quoi à son sujet. Aucun concept sur la mort ne peut tenir fixement à l’esprit. Plus profond dans le sans-réponse se trouve l’eccéité du moi, sa distribution, le pourquoi-moi. Et plus un domaine devient incogniscible, plus il abreuve les libations de la Métaphysique.

J’ai 12 ans. J’ai la vie devant moi. Je découvre avec joie l’escalade, les randonnées en montagne. Pourtant chaque soir, pendant 2 heures, dans ma maison hantée, je me livre à mes rituels de vérification, qui allaient jusqu’à assigner à chaque latte du plancher une lettre, à chaque latte du plafond un chiffre, et tout se repasser en mémoire, avant d’éteindre la lumière et de plonger dans la nuit sous écoute, la nuit doublement surveillée de mon âme transie de peur.

J’ai 27 ans. Tout le bonheur de ma vie est derrière moi. Je vis dans la honte une existence stérile, j’essaye de sauver ce qui peut encore l’être.

Les montagnes comme la musique me laissent indifférent. Mais c’est précisément l’indifférence que je recherche. Tout m’aggresse et m’impatiente.

La machine à idées délirantes que les psychiatres veulent éradiquer n’est pas localisée ni comprise dans son entièreté. Sans les idées délirantes, c’est à dire la totalité de la pensée, j’affronte directement l’angoisse dans un corps sourd muet et aveugle.

Chacun de mes matins est un désespoir immense crucifié dans le non-vouloir.

Chacune de mes nuits m’emmène plus loin dans un rêve qui échappe à ma mémoire.

Certains jours, je m’absente dans le refus du percept, et je revis mon passé.
Assez souvent.
Je ne peux même plus bander ; tout est dit.

Est-ce la télé et ses soap operas , mais une manie croissante semble s’emparer des couples, celle d’un perpétuel règlement de compte au nom d’une monnaie vivante, autour de l’amour propre de chacun; une compétition partagée comme on partage un pouvoir. Il me plait davantage de me fondre dans l’être aimée.

Le Haldol est un poison si efficace qu’il me défend de haïr qui que ce soit. Je n’ai aucun Ennemi contre lequel me renforcer. Haldol est à ce titre un ami qui me veut du bien : impuissance, diminution importante de ma force physique et de ma capacité à penser, impatience, dégoût – un mouton transgénique, un mouton mutant.

Je ne peux me résoudre à cesser d’émettre, pour la bonne raison que je ne peux plus rien recevoir.

Je ne comprends pas l’institution psychiatrique, à moins de me résoudre à y voir le Mal à l’œuvre. Les prisonniers sont mieux traités que les malades mentaux.

Le Haldol, mon psy dit que c’est bon pour la concentration, je n’y trouve qu’une hypnose scabreuse et une perte de force considérable. J’ai par deux fois été qualifié de schizophrène, mais ces deux examens suivaient des « expériences limite », qui auraient déchiré n’importe qui, un mauvais trip sous alcool et champignons, puis la prison, et un diagnostic établi alors que le Haldol avait déjà pris possession de moi.

Et nous sommes nombreux à avoir été qualifié de psychotiques, et noyés dans les limbes d’un couloir sans perspective. L’enjeu de mes journées devient le Temps.
Comment le faire passer, comment le retenir quand la beauté advient. Je suis entre la lenteur homogène et un autre temps plus rapide , et sans événement autre que ce semblant crouteux, stratigraphique, de la colonne de l’éternité neuroleptique.

Et nous sommes légion à sacrifier notre chair pour l’avidité des puissants.
Et jusque dans nos limbes, ils viennent nous chercher pour nous mettre au travail, pour laisser paraître que la contingence a régné sur nos vies, alors qu’il n’y a jamais eû en l’homme que la souffrance et la nécessité de la jouissance, entrelacées et entretenues l’une envers l’autre dans un pendule infernal, dont on reproduit le schème à grandes échelle, nécessité de souffrir pour les ratés, dans un réflexe prophylactique de pitié à l’égard des jouisseurs, de leur incurable mauvaise conscience. Le Bonheur est absent de ce monde.

Il n’y a pas d’archétype, il n’y a pas de structure ; il n’y a que le Destructeur de Formes.

Ce qui m’afflige le plus, c’est de ne pouvoir écrire autre chose que de petits pêts aphoristiques, qui épuisent en cinq minutes ma pensée ; c’est d’avoir connu les longues tirades logorhéiques déployées dans N et E, cette transe de mots, c’est d’avoir vécu ça qui discrédite la molle écriture de cette préface, et tout le reste, le pire de ma putain de vie de raté.

On me reprochera de ne pas avoir structuré mon propos. C’est parce que la Vérité , ou son semblant, je l’ai découverte dans l’expérience de son écriture.
Autant dire qu’à mon premier rail de coke, prêt à tout dire, je ne savais pas du tout de quoi j’allais parler.

Je rêve chaque nuit dans un décor récurrent et symbolique ; à l’ouest, il y a la ville technologique et policière, aux grandes tours de verre ; il y a également une plage, dont les vagues me retournent et me noient. A l’est, passé les Montagnes de la Marne ( qui sont les montagnes de mort de la Guerre), il y a des villes désertées, aux murs ocres criblés de balles, et des montagnes plus hautes.
Des deux côtés, on trouve une grande maison dont les sous-sol sont un labyrinthe de galleries et de tuyaux, et d’escaliers qui descendent vers une porte à jamais close.

Si on regarde un planisphère, l’Antarctique a la forme d’un cerveau, l’Amérique d’une Danseuse, et le Vieux Continent est comme une armée de bites lancées en défi à la mer. Les signes ne sont rien sans cette intentionnalité qui les pense avant-même de les percevoir ; ceci constitue un mystère qui laisse supposer que de l’information transite du futur au passé, ou que le Corps possède un temps « internel », étalé, tout-ouvert à la totalité de sa vie terrestre, comme quand on se sent avoir été toujours-déjà là, vieux, dans un souvenir de l’enfance.

Je suis un autodidacte qui a très peu lu. Toute la philosophie ne traite que du comment, réservant le pourquoi à des ruminations stériles. C’est dans le comment que se trouve le pourquoi. Il n’y a qu’une seule et même question qui taraude les esprits : Pourquoi ? Chaque événement du Comment alimente le Pourquoi, le Pourquoi moi. C’est l’Infini qui se présente à travers nous.
C’est un Pourquoi qui peut devenir un Comment

La disparition de cette question, qui se résolvait d’elle-même, la fin de l’émerveillement idiot face aux beautés de la nature, l’absence de contacts entre mon intellect et mon corps, tout se passe comme si on voulait d’abord étouffer la vérité, puis me retrancher de toute communion avec le là-autour, qu’il s’agisse de personnes ou pas ; tout n’est plus qu’un seul phénomène oppressant.

J’avais trois passions : les femmes, l’alpinisme, la philosophie. Le Haldol me les a volées. Sans mon amour excessif, je n’aurai jamais découvert l’alpinisme, que je considérai comme le meilleur moyen de faire mouiller les femmes. On peut dire la même chose de la philosophie. A Tort.  Le succès fût mince, La seule femme de ma vie. Avec qui j’aurai pû mener une vie heureuse si la drogue ne m’avait pas saisie comme elle l’a fait. Jusqu’à une certaine date, je ne consommais que des « smart-drugs », champignons et yage principalement. Puis la jouissance stupide de l’extasy m’a usé le cœur, a ravivé mes angoisses et mes délires de l’enfance. Quand au cannabis, il m’a ruiné les poumons.

L’héroïne m’a fait voir le monde comme un empire du Mal.  Les acides m’ont troué l’estomac. Le manque de coke me rendit haineux . Voilà à quoi m’ont mené les drogues dures. A des drogues plus dures encore, le Haldol en l’occurrence. Il m’est infiniment difficile de décrire ontologiquement ma défonce au Haldol. Notamment de savoir si je pense encore. Ma capacité à formuler des phrases est mince, le hasard seul distribue syntaxiquement « un certain style ».

En revanche, je sais que je n’ai plus d’affects, hormis quand je pleure, à considérer en face ma situation. Ma force physique est à zéro. J’ai perdu 6 kilos de muscles. Et tout semble si lent à passer, et ce qui passe se recollecte sur une mémoire à 2 dimensions, ou tout est daté du même jour, le seul ; il n’y a plus que cette journée dont je dois affronter l’Ennui, et le Sommeil. Et une immense culpabilité couvre ma vie de lâche et de drogué.

Mon incarcération a interrompu mon projet de soigner la grippe en utilisant le lsd, l’alcool, le shit et la codéine. Je suis arrivé malade comme un chien en prison, ou j’ai pourtant rapidement repris mes forces. Fuir la prison par la psychiatrie fût ma plus funeste erreur. La prison est un profond stimulant du corps et de l’esprit. Pour citer un exemple, un jour que j’étais seul en cellule, j’ai entrepris de me branler en repensant à un film entrevu la veille, « Fatale », avec Juliette Binoche. J’éjaculai tout mon sperme alors que mon vit était encore mi-dur.

J’étais incarcéré avec un musulman et un protestant. Je leur ai dit un jour que l’assassin de Dieu était la métaphysique. Ils ne cessaient de s’engueuler sur la virginité de Marie ou Dieu sait quelles conneries, me réconfortant dans ma haine des religions, et cela m’était insupportable
.
J’essayais de rester moi-même en fumant un minijoint chaque soir, qui me remplissait d’une puissance délicieuse. Je lisais Lautréamont, Hegel, Heidegger.

Même en 3 ans, je ne serais pas mort là-bas comme je le suis désormais, à ne pas pouvoir ingurgiter quoi que ce soit d’écrit, pris dans le ressac de mes erreurs.

Je vis désormais dans l’attente de la Mort, le repentir et la honte. J’écoute toujours les mêmes disques, je fume, pour faire passer le temps.

Un futur incertain s’avance vers nous, mais nous n’avançons plus vers lui.
Il n’y a plus une seule idéologie qui puisse prétendre avoir les mains propres.

Nous payons, d’une certaine manière, l’hédonisme 68ard, la consommation de drogues est devenue une extension de la Mort au sein de la vie, rationnellement gérée par l’Etat. La liberté sexuelle, je n’en dirais rien de plus que Houellebecq, à savoir que notre société est devenue une machine à augmenter le Désir, tout en impossibilisant son soulagement, et ce Désir perpétuellement interrompu en nous devient notre force de travail, nous les psychotiques, premiers gazés par les nazis, nous qui ne possédons désormais plus que notre Mort, et encore.

Que devient une âme neuroleptique, à sa mort ?

On est au bord de l’ironie scabreuse, mais la psychiatrie préfère voir une loque lobotomisée et avachie par les neuroleptiques qu’un autre plus en forme, mais dont les idées sont délirantes. Il est absurde de penser que le second est moins dangereux que le premier ;  le meurtre d’un psychiatre, à l hopital de Pau, nous le rappelle.

Je perds progressivement tous mes amis. Une tendinite vieille d’un an m’empêche de trouver dans le sport un défouloir. J’écris péniblement ces phrases banales pour avoir l’impression de faire quelquechose d’utile.

Je n’ai plus rien à dire. J’ai atteint un niveau de béatitude triste ou plus rien ne fait événement. J’aurais pû tout dire, sauf sur la Mort.

Eû égard à ma putain de vie, ses échecs, ses crimes , son échouage en prison puis en psychiatrie – il est fort probable que je me suicide un jour ou l’autre, happé par l’appel de la connaissance. « La Mort est l’Arche du Rien » dit Heidegger, mais rien ne prouve qu’elle ne soit pas, par exemple, un grand domaine de plus haute intelligibilité entre les êtres qui le peuplent.

Il y a une nouvelle manie de non-communication, héritée de la pensée freudienne, qui consiste à vouloir classer l’espèce humaine. Selon ses maladies ou ses attitudes. Ce classement est le commencement d’une doctrine visant à trier la matière humaine. Nietzsche nomme cette quatrième étape de l’achèvement du Nihilisme : « la Catastrophe ».

Le Nihilisme triomphant, c’est la Psychiatrie. Des humains , certes , et souvent sympathique, mais une pharmacopée pour rhinocéros, et un espace vital démesurément étroit, ou déambulent des schizophrènes qui ne connaitront plus jamais que ces murs aux couleurs ignobles, assortis aux pyjama tout aussi laids.
Un empirisme de l’Inquisition. Une boucherie.

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